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L’obsession des poètes pour le parfum

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L’obsession des poètes pour le parfum : exemple, Charles Baudelaire et Les Fleurs du Mal

 

Les Fleurs du mal, sont un recueil de poèmes  écrits par  Charles Baudelaire et regroupant la quasi totalité de sa production poétique à partir de 1840. Ce recueil est divisé en six parties. L’une d'elle s’intitule Spleen et Idéal et regroupe 85 poèmes, dont « Correspondances », « Parfum exotique »,  « La chevelure »,  « Sed non satiata », « Le parfum », « L’invitation au voyage», « La muse malade », « Le chat » et « Harmonie du soir ». Dans chacun de ces poèmes le parfum est présent et occupe une place essentielle.

Nous étudierons dans un premier temps les parfums naturels qui sont évoqués, puis les parfums imaginés et « créés » par Baudelaire lui-même et enfin les synesthésies, qui marquent la correspondance entre les sensations.

 

Dans l’ensemble de ces poèmes, on s’aperçoit de l’importance des parfums pour Baudelaire. Il évoque des parfums de différents types.

Baudelaire évoque toute une série de parfums existant dans la nature. Dans « Correspondances », le poète cite l’ « ambre » et du « musc », parfums naturels qui ont tous deux une connotation exotique et raffinée. Mais aussi dans « Parfum exotique » dans lequel Baudelaire mentionne « le parfum des verts tamariniers ». Les tamariniers sont des arbres tropicaux aux fruits comestibles et  apportent aussi une note d’exotisme. De même, dans « La  Chevelure »,  le poète cite le parfum de la« forêt aromatique »  ainsi que l’odeur de l’ « huile de coco, du musc » qui rappelle l’exotisme très présent dans chacun de ses poèmes.

Egalement, dans « Sed non Satiata », le caractère exotique peut être associé au noir. On a l’exotisme des parfums de la femme. Le « havane » vient d’un monde éloigné et a une teinte foncée, brume, Baudelaire pourrait ainsi faire allusion au tabac ou aux cigares provenant de La Havane, capitale de Cuba. Les mots sont choisis pour évoquer quelque chose de lointain. L’auteur cherche à nous dépayser avec « obi », « savane ». Mais aussi dans « Le Parfum » et « L’invitation au voyage » dans lesquels on retrouve l’odeur du « musc », et de « l’ambre » à laquelle s’ajoute l’odeur de «fleur exquise » et celle des« rares fleurs ».

L’ensemble des parfums existant permet au lecteur de vivre un voyage à la fois sensuel avec l’allusion à la femme à travers la chevelure et les parfums mais aussi exotique. De plus, on peut remarquer que le poète aime particulièrement les parfums forts.

 

 Baudelaire ne fait pas que citer des parfums existant mais  en devient un « créateur » par le biais de la poésie.

 Le poète évoque dans ses poèmes des parfums dont il est lui-même le « créateur », souvent par connotation. C’est le cas dans « Correspondances » avec : « Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies ». Dans  ces vers on retrouve les connotations de l’innocence et de la pureté avec « enfant », de l’harmonie musicale avec « hautbois » et de la nature printanière avec « prairie ». C’est un monde aux sensations variées qui se développe à partir des parfums. De la même façon, dans « La Muse malade » avec « l’odeur de la santé », le poète utilise un qualificatif inattendu pour l’odeur et crée ainsi un univers particulier, il utilise un nom comme adjectif pour qualifier et essayer de transmettre «  l’odeur de la santé ».

Egalement dans « parfum exotique » avec « l’odeur de ton sein chaleureux » la femme s'efface rapidement en raison de la puissance de son parfum qui engendre une vision imaginaire et idéalisée. Ceci laisse imaginer une intimité amoureuse liée à l'enfance ainsi qu’une connotation érotique complétée par l’idée de protection maternelle. Par ailleurs dans « La Chevelure », Baudelaire évoque l’odeur d’un « parfum chargé de nonchaloir » qui traduit la nonchalance et le vieillissement. On retrouve ici le rapprochement entre deux réalités inattendues qui crée un monde imaginaire. Aussi dans « Le Balcon » avec « le parfum de ton sang » qui traduit l’idée de sensualité, d’amour et d’accès a un autre univers. De plus dans « Le Parfum », le poète mentionne un « parfum de fourrure ». L’odorat n'ayant pas de langage, pas de mot pour se raconter, seulement des analogies, des associations, des tentatives d'impressionnistes, on  essaie d'expliquer une fragrance, en racontant une autre sensation. Ici, un parfum «de fourrure» exprime le confort et le luxe. Un parfum dit « de fourrure » sera donc riche, enveloppant, soyeux, puissant, chaud. Enfin dans « Le Chat », Baudelaire évoque le « dangereux parfum » du chat considéré comme un animal énigmatique et dangereux ici.

 Enfin, dans certains poèmes, on peut remarquer la présence des synesthésies.

 Mais que sont les synesthésies ? Il s’agit en réalité d’un terme issu du grec « sunaisthêsis »qui signifie « perception simultanée ». On pratique la synesthésie lorsqu’on fait appel, pour définir une perception, à un terme normalement réservé à des sensations d’ordre différent. Par exemple, dans son sonnet « Correspondance », Baudelaire, utilise les tercets pour illustrer la théorie des synesthésies qui marque la correspondance entre les sensations. On peut alors citer  « Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants, Doux comme les hautbois, verts comme les prairies » où la polysémie de l'adjectif permet de passer de sens en sens : odorat, toucher, ouïe, vue. Ensuite dans « Parfum exotique » avec « Je respire l'odeur de ton sein chaleureux, Je vois se dérouler des rivages heureux », on retrouve un lien étroit  entre l’odorat et la vue, la puissance du parfum engendre une vision de lumière, on passe du parfum à la vue. Egalement dans « La Chevelure »  avec

« Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues

Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond;

Sur les bords duvetés de vos mèches tordues

Je m'enivre ardemment des senteurs confondues

De l'huile de coco, du musc et du goudron. ».

Les synesthésies permettent à Baudelaire d’établir des « correspondances » inattendues entre des réalités d’ordre différent. Les oxymores « cheveux bleus », « mer d’ébène », « noir océan » suggèrent une correspondance secrète entre le bleu intense du ciel et de la mer des tropiques et le noir profond ou encore le noir à reflets bleutés de la chevelure. Une synesthésie typique consiste à associer parfums et liquides (l’olfactif et le tactile) : « nage sur ton parfum », « boire à grands flots le parfum », « je m’enivre ardemment des senteurs confondues », « la gourde où je hume (respire) à longs traits le vin du souvenir ». Ainsi, le parfum devient une sensation tactile et intense. Enfin dans le poème « Harmonie du soir », avec « Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ». A travers ce vers la synesthésie est explicite et marque une relation entre l’ouïe et l’odorat.

 

Les parfums occupent donc une place essentielle dans l’univers poétique de Baudelaire et ont plusieurs fonctions : permettre l’accès à un autre univers, un voyage sensuel et exotique,  donner une dimension amoureuse.

Pour conclure, nous pourrions montrer des échos entre les poèmes de Baudelaire et un extrait du roman anglais, Le Portrait de Dorian Gray, d’Oscar Wilde (1890) dans lequel le parfum prend une dimension mystique, passionnelle, évoque des réminiscences d’amour, trouble l’esprit et souille l’imagination. Chaque poète est alors un « interprète », et un « créateur » de parfum.

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